Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. Le potager, c'est à dire la relocalisation des cultures, est la parade idéale aux deux dangers qui menacent l'humanité : les bidonvilles et la pénurie alimentaire. Aujourd’hui, on peut assister à la remise à Paris des prix du concours des jardins potagers par la Société nationale d'horticulture de France... Les jardins potagers sont sources de délicieux légumes, non trafiqués, écologiques (il faut mieux cultiver ses haricots que les faire venir du Kenya) ; et ce sont des lieux d’une grande productivité, car les propriétaires de jardins potagers y mettent un soin extraordinaire. Du temps de la Russie soviétique, l’agriculture avait une productivité dérisoire dans les grandes fermes publiques, sovkhozes et kolkhozes, mais les jardins potagers, tolérés, avaient eux une production par heure ouvrée extraordinaire, et on avait calculé qu’ils représentaient près du tiers de la production agricole nationale ! Vous vous demandez où je veux en venir ? A ceci : il est certain qu’une agriculture raisonnée doit passer par une relocalisation des cultures, et une réinscription de celles-ci dans le temps. Faut-il manger des tomates absolument immondes et génétiquement modifiées afin de pourrir moins vite à longueur d’année? Des fraises insipides à longueur d’année ? La relocalisation des cultures, elle, permettrait d’éviter deux phénomènes qui menacent l’humanité. Le premier est le bidonville. Le bidonville est alimenté par des paysans chassés de leurs terres par des famines, des guerres, mais aussi chassés par l’agriculture des pays du Nord, exportatrice et subventionnée, et largement excédentaire, et destructrice de cultures vivrières. Un milliard d’humains habitent dans des bidonvilles, et ils seront deux milliards en 2030.

L'agriculture, point faible de la Chine Le deuxième phénomène, c’est la pénurie alimentaire. La spécialisation internationale du travail, l’urbanisation, le développement des économies émergentes, peuvent déboucher sur la pénurie. Ainsi, l’Inde a dû importer en 2007 des céréales ; et la Chine a importé du maïs au moment des Jeux Olympiques. En ce moment elle est à la recherche dans le monde entier de terres arables à louer ou acheter pour nourrir sa population. La Chine a fait le pari de faire basculer 300 millions de paysans dans les villes, pour alimenter sa main-d’œuvre, ce qui ne va pas sans poser de graves problèmes. D’autant qu’elle commence à souffrir de pénurie d’eau, et même de terre, du fait de son urbanisation phénoménale. Elle cherche donc à mettre en place une agriculture hyper-productiviste, au moment où les pays les plus consommateurs de produits phytosanitaires, comme la France, commencent à parler d’agriculture raisonnée ! Et si l’agriculture était le talon d’Achille de la Chine ? Et si le jardin potager était l’avenir de l’agriculture ?

Par Bernard Maris, in Marianne 2